
Entretien avec Sani Yaya, Ministre de l’Economie et des Finances. Ayant comme domaine de prédilection la banque, les finances et les stratégies des institutions, il est Président en exercice du Conseil des ministres de l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA) jusqu’en avril 2022.
Quelles sont les grandes orientations du budget 2022 ?
Le budget de l’Etat, gestion 2022 s’établit à 1779,2 milliards de Fcfa avec une hausse de 4,5% par rapport à celui de 2021.
Près de 507,8 milliards, soit plus de 47% du budget, sont consacrés aux secteurs sociaux notamment la santé, l’éducation, le soutien aux populations vulnérables.
S’agissant de la santé, le projet phare est le renforcement de l’accès aux soins et la couverture santé universelle pour chaque Togolais. Je note au passage l’adoption de la loi instituant une assurance maladie universelle au Togo.
Concernant l’éducation, il est prévu le renforcement des infrastructures scolaires, la mise en place des centres d’excellence et des instituts de formation en alternances pour le développement (IFAD). Il y aura la construction des bâtiments scolaires, en vue d’augmenter la capacité d’accueil scolaire de 30 000 salles de classe supplémentaires.
La gratuité des frais d’examens se poursuit. C’est une mesure voulue par le Président de la République pour soulager le quotidien des Togolais et pour maintenir leur pouvoir d’achat.
La priorité, c’est également le développement du secteur agricole avec un objectif d’améliorer les rendements et de favoriser la transformation des produits. Cette stratégie prévoit la création d’agropoles et de Zones d’Aménagement Agricoles Planifiées (ZAAP).
Le gouvernement poursuivra sa politique de grands travaux notamment le développement des infrastructures routières, aéroportuaires et portuaires afin d’améliorer l’attractivité du Togo.
Je veux également mentionner le secteur de l’eau. Le gouvernement est en train de mettre en place une stratégie d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement pour mieux orienter les décisions en matière de gestion d’eau potable et de permettre à nos laborieuses populations d’avoir un accès à l’eau potable. C’est l’une des préoccupations majeures du Président de la République.
Le gouvernement poursuivra également la modernisation de l’administration en favorisant le numérique. Vous savez que le digital constitue le fer de lance de cette modernisation donc il est envisagé, bien évidemment avec l’arrivée du câble sous-marin qui augmente notre capacité d’accès à l’internet, de réaliser l’ambition de digitalisation de l’ensemble de notre économie et de l’ensemble de notre administration. Bien sûr j’ai cité le câble sous-marin, mais je veux parler aussi du DATA center qui a été inauguré tout récemment et donc tout ceci constitue les investissements qui sont de nature à moderniser notre économie. La dématérialisation est très importante dans cette ambition là et il est envisagé de réaliser l’identité biométrique de tous les Togolais, ce qui va permettre, en tout cas, de mener à terme la digitalisation et d’avoir une identité biométrique pour chaque citoyen.
L’UEMOA a émis le souhait de passer du Franc CFA à l’ECO. Quel changement cela impliquera-t-il ?
Cette réforme introduit trois grands changements :
D’abord, l’ECO sera toujours arrimé à l’euro, la parité actuelle sera maintenue et la France continuera de garantir la convertibilité de l’ECO comme du franc CFA.
La BCEAO s’occupera de la gestion entière des réserves de change des pays membres de l’UMOA et n’aura plus à en déposer la moitié sur le compte d’opérations du Trésor français.
Les représentants de la France ne siègeront plus au conseil d’administration de la BCEAO, au Comité de Politique Monétaire et à la Commission Bancaire de l’UMOA.
Les deux derniers changements sont effectifs, bien que certaines modalités pratiques ou légales doivent encore être définies.
La mise en place de l’ECO, initialement envisagée pour 2020, a été reportée, en raison de la pandémie et de la nécessité d’articuler cette réforme avec la feuille de route pour la création de la monnaie unique de la CEDEAO.
Les bailleurs de fonds vous soutiennent ?
Depuis la reprise de la coopération entre le Togo et ses partenaires techniques et financiers, une confiance s’est développée et s’est installée. Ce qui a conduit notre pays à être soutenu de diverses manières, notamment dans le cadre du renforcement des capacités institutionnelles et les appuis financiers en termes de dons programmes et dons projets.
Entre 2011 et 2020, les prêts ont connu une évolution de 42,9% et les dons une évolution de 20,4%. Sur la même période, le taux d’accroissement moyen des prêts se situe à 15,9% et les dons ont connu un taux d’accroissement moyen de 5,5%.
Entre 2017 et 2020, les appuis budgétaires de nos partenaires tels que la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont connu respectivement une évolution de 114%, 40% et 97%. S’agissant de l’UE, nous assistons à une évolution de ses appuis budgétaire sur la période 2015-2020 de 14%.
Ces appuis se renouvellent et vont se renforcer dans le cadre de la marche vers la vision définie dans la feuille de route gouvernementale (FDR) Togo 2025. Cette FDR qui constitue un document de référence suscite un intérêt au niveau de nos partenaires. Nombreuses sont les actions destinées à appuyer le Togo à travers la mise en œuvre des réformes. Il s’agit, entre autres :
• du nouveau partenariat pour les réformes conclu entre le Togo et l’Allemagne en juin 2021. Ce nouveau cadre permet déjà de bénéficier d’un montant de 5 millions d’euros à travers un projet qui vise la bonne gouvernance financière ;
• de la préparation d’un nouveau programme d’appui budgétaire 2022-2024 de l’UE, d’un montant d’au moins 30 millions d’euros, avec un premier décaissement en 2022 ;
• de l’actualisation du document de stratégie pays (DSP) de la BAD pour la période 2021-2026. A travers ce document, cette institution s’est fixée comme objectif principal de participer à l’accélération de la transformation structurelle et la diversification de l’économie togolaise afin de créer des emplois décents à forte valeur ajoutée, et de bâtir une résilience socio-économique pour une croissance durable et inclusive. Le DSP sera financé par une enveloppe prévisionnelle de 120 millions de dollars pour les trois premières années ;
• d’un nouveau cadre de partenariat pays qui est également en cours de finalisation avec la Banque Mondiale pour son appui au titre des cinq (05) prochaines années.
• de la préparation en cours d’un nouveau programme avec le FMI qui permettra au Togo, non seulement, de bénéficier de ressources financières, mais aussi, de renforcer davantage le système de gestion des finances publiques.
Le Togo veut devenir un hub logistique et financier. Quelles mesures sont prises pour alléger la charge fiscale des investisseurs privés ?
Cette ambition est prise en compte par le deuxième axe stratégique de la feuille de route du gouvernement afin de dynamiser la création d’emplois.
Pour accompagner les opérateurs économiques, le Togo a mis à jour son système fiscal pour le rendre davantage favorable à l’investissement et aux échanges. Le système fiscal a ainsi été simplifié en 2018 avec le vote de nouveaux instruments juridiques majeurs notamment le Code des Douanes national, le Code Général des Impôts (CGI), le Livre des procédures fiscales et le nouveau code des investissements.
Pour l’atteinte des objectifs de la feuille de route 2020-2025, le gouvernement accorde une exonération de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) sur le matériel agricole en vue d’alléger les coûts d’acquisition des équipements de production agricole.
Aussi, le Gouvernement dans le sens du renouvellement du parc automobile consent des abattements et des exonérations des droits de douanes et de la TVA à l’importation et à l’achat des véhicules hybrides et électriques à l’état neuf, des véhicules neufs et d’occasion de 5 ans d’âge au plus.
Comme autres mesures, il est prévu dans la loi de finances des avantages fiscaux en ce qui concerne la restructuration des entreprises en difficultés présentant un fort enjeu économique et d’emplois.
Outre ces avantages fiscaux d’allégement de la charge fiscale, les réformes du système fiscal togolais ont permis d’améliorer la qualité des services offerts aux opérateurs, la réduction du temps et des coûts des formalités fiscales et douanières. A ce titre, il faut mentionner :
– la simplification et la dématérialisation des procédures fiscales, douanières et du cadastre avec la création d’un guichet unique des titres fonciers dénommé guichet foncier unique (GFU) ;
– la télé déclaration et le télépaiement des impôts, droits et taxes ;
– le suivi électronique des documents fiscaux ;
– la déclaration anticipée des marchandises ;
– la facilitation des échanges à travers le cadre de partenariat privilégié (CPP) ; etc.
Pour encourager les multinationales à s’installer au Togo conformément au régime particulier des sociétés mères et filiales contenu dans le CGI, il est prévu une dispense de retenues sur les distributions des dividendes (IRCM) entre mères et filiales.
De nombreux avantages fiscaux sont accordés aux investisseurs étrangers. Il faut par ailleurs mentionner l’existence d’une Zone franche. Bref, tout est fait pour faire du Togo une place de choix pour l’investissement et donc pour le développement.