
Entretien avec Nicolas Kazadi, Ministre des Finances depuis le 12 avril 2021. Cet économiste qui a eu une carrière intergouvernementale au sein du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) était précédemment ambassadeur itinérant du Président de la République Démocratique du Congo.
Quelle est la feuille de route des réformes de la RDC adoptant les critères et indicateurs établis par le programme américain du Millenium Challenge Corporation (MCC) ?
Comme vous le savez, les USA appuient la RDC dans différents programmes dont la santé, l’éducation, l’aide humanitaire, à travers notamment l’USAID. Bien plus, la RDC a été déclarée éligible au processus du financement MCC. Ce processus permet à la RDC de s’autoévaluer, de travailler par rapport aux critères considérés comme standards, en vue de pérenniser les efforts de réformes dans différents secteurs de la vie nationale. Cet engagement a été pris au plus haut sommet du pays par Son Excellence Monsieur le Président de la République, lors de la 62ème réunion du Conseil des Ministres.
S’agissant de la feuille de route des réformes, il importe de noter que les réformes du MCC s’alignent aux documents de référence définissant les priorités de l’Etat, dont le Programme National Stratégique de Développement (PNSD 2019-2023), à travers notamment le renforcement de la bonne gouvernance, restauration de l’autorité de l’Etat et consolidation de la Paix (pilier 2) et la consolidation de la croissance économique, diversification et transformation de l’économie notamment par l’inclusion sectorielle et croissance inclusive (pilier 3). En plus, elles sont en phase avec le Programme d’Actions du Gouvernement (PAG 2021-2023), en l’occurrence dans les volets renforcement de l’autorité de l’Etat, promotion de l’état de droit et de la démocratie : gouvernance, réforme sécuritaire, amélioration de l’image de marque du pays et de sa communication (pilier 2) ; lutte contre la corruption et crimes économiques (pilier 4), l’amélioration de la gouvernance des ressources naturelles, des entreprises et finances publiques(pilier 5), l’amélioration du climat des affaires et de l’entreprenariat (pilier 6) et des conditions sociales : santé, éducation, … ( piliers 11).
Le Gouvernement de la RDC est résolument engagé à mettre un terme sur les décennies de mauvaise gouvernance, comme en témoigne la mobilisation accrue des ressources internes, l’amélioration du taux de croissance depuis 2021 qui fait d’elle la plus performante en Afrique Subsaharienne, la lutte contre la corruption, …
Après plus de 9 ans d’interruption, vous avez conclu en juillet 2021 un nouveau programme économique avec le Fonds monétaire international (FMI) d’une enveloppe globale de 1,52 milliard de dollars. Comment se matérialise ce programme ?
Les institutions de Bretton Woods dont le FMI sont les partenaires stratégiques de la RDC. Avec cette dernière, nous avons considérablement amélioré nos relations, et cela a permis à la RDC de mobiliser des ressources financières nécessaires pour son développement.
Le Programme économique du Gouvernement conclu avec le FMI a permis au pays de mobiliser plus 1,5 milliard USD dont les décaissements successifs contribuent à soulager notre balance des paiements. Ce Programme sert de catalyseur à la mobilisation des ressources financières tant publiques que privées nécessaires à la stabilité macroéconomique et aux projets et programmes de développement de la RDC. En outre, la RDC a bénéficié de 1,5 milliard au titre de la nouvelle allocation des DTS du FMI ainsi que des facilités au titre de l’initiative pour la suspension du service de la dette.
Dans ce contexte, l’allocation-pays pour la RDC avec la Banque mondiale s’est accrue considérablement et orientée vers des projets structurants. Ainsi, un appui budgétaire de 500,0 millions a été débloqué pour la RDC, la première depuis plus de 15 ans.
A ce jour, plus de 7,0 milliards de USD a été mobilisé depuis la conclusion de ce programme et le pays jouit de beaucoup de crédibilité. Ainsi grâce à ce programme, les dépenses d’investissement et dans les secteurs sociaux ont significativement augmenté avec des taux de réalisation de plus de 150%. Il s’agit du commencement d’un nouveau processus qui vient appuyer nos efforts.
Dans le registre des résultats probants, il y a lieu de noter : l’amélioration de la compétitivité du pays ; l’attraction des investissements étrangers ; l’amélioration de la signature du pays améliorée avec la notation de S&P passant de la note de « CCC+/C » (risque substantiel, mauvaise condition économique) à « B-/B » (« Très spéculatif/risqué », avec des perspectives stables). La RDC rejoint ainsi le club des pays africains notés « B- » par l’agence, parmi lesquels le Nigeria et le Cameroun ; la consolidation de la stabilité macroéconomique (stabilité consolidée) :
– La croissance économique est passée de 1.7% en 2020 à 8.5% à fin 2022 ;
– Le taux d’inflation passant de 15.6% en 2020 à 13.1% en 2022 ;
– Les réserves de change ont atteint 4,6 milliards USD en 2022 contre 708,89 millions USD en 2020 et 1,1milliard USD en 2019.
Dans le domaine de la gestion des finances publiques, des progrès considérables sont particulièrement notés dans la mobilisation accrue des ressources publiques, le financement des actions prioritaires du Gouvernement, la mise en œuvre d’importantes réformes fiscales ainsi que la rationalisation des dépenses publiques au profit de celle liées aux investissements.
Où en est la restructuration de la Banque centrale ?
La restructuration de la Banque Centrale du Congo a connu des avancées notables depuis la promulgation de la loi organique n°18/027 du 13 décembre 2018 portant organisation et fonctionnement de la Banque Centrale du Congo. Cette Loi renforce l’indépendance de la Banque Centrale dans la conduite de la politique monétaire, précise ses missions notamment en matière de stabilité monétaire et de surveillance du secteur bancaire, institue une nouvelle gouvernance et fixe le niveau du capital et des fonds propres afin de préserver son autonomie financière.
Ainsi, le nouveau Conseil de la Banque Centrale a été constitué en 2021 avec la nomination d’un Gouverneur, deux Vice-Gouverneurs et huit Administrateurs.
Au sujet de la recapitalisation, le protocole d’accord portant régularisation des créances de la Banque Centrale sur le Trésor public a été signé le 28 décembre 2021, permettant à la BCC de disposer des flux mensuels des revenus stables pour son fonctionnement.
S’agissant de la constitution du capital fixé dans la Loi organique, le rapport y relatif a été approuvé en Conseil de la Banque et transmis au Ministère des Finances pour examen avant son adoption en Conseil des Ministres.
Afin d’accélérer le développement, encouragez-vous les Partenariats Publics Privés (PPP) ?
La politique sur le Partenariat Public-Privé est en cours d’élaboration. Un état de lieux de tous les projets antérieurs exécutés en mode PPP est en cours de réalisation en vue de formuler la politique nationale sur les PPP assorti d’un plan d’action conformément aux observations du FMI.
Par ailleurs, la principale réalisation en matière de PPP est la mise en place du cadre légal et règlementaire. A ce sujet, le pays s’est doté d’une loi sur le PPP en 2018 et l’Unité de Coordination PPP (UCPPP) a été mise en place. Les animateurs de cette structure ont été désignés, le plan d’action pour l’année 2023 sera disponible d’ici la fin du mois de février.
Enfin, le Ministère du Plan vient de finaliser techniquement l’élaboration du PNSD révisé 2023-2027 dont le PPP est prévu comme instrument innovent pour le financement relatif au développement des infrastructures de base.