
Entretien avec Augustin Kibassa Maliba Lubalala, Ministre des Postes, des Télécommunications, des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (PTNTIC), qui souhaite utiliser les technologies les plus avancées en vue d’accélérer le processus de développement de la RDC.
Quels sont les enjeux du rapatriement du siège de l’Union Africaine des Télécommunications (UAT) en RDC ?
Avant tout, la Constitution de l’Union depuis son origine c’est-à-dire à l’époque de l’Union Panafricaine des Télécommunications (UPAP) et même dans sa forme actuelle, établit formellement et juridiquement le siège de l’Union à Kinshasa. C’est ainsi que jusqu’en 1997, le siège de l’UAT était bel et bien à Kinshasa. C’est donc avant tout un devoir de responsabilité et d’engagement de ramener de manière effective ce siège à Kinshasa. Tous les efforts pour y parvenir sont déployés.
Aussi, l’Afrique se trouve face à un défi, celui de relier le nord au sud et l’ouest à l’est de son étendue sans pour autant se livrer aux complexes et onéreux contours de son territoire. Le seul pays qui peut permettre de relier le nord au sud et l’est à l’ouest du continent, par sa position géostratégique, bien au centre du continent avec le record régional de 9 pays limitrophes, c’est la RDC. Notre pays se positionne donc comme un véritable hub, un carrefour du trafic des télécommunications sur le continent et une porte vers le monde.
Enfin, c’est aussi une question de fierté et de présence diplomatique, car ce sera le seul siège d’une organisation internationale d’envergure que la RDC abrite sur son territoire national.
Pouvez-vous nous entretenir du projet d’élaboration du Plan Directeur d’aménagement d’infrastructures numériques ?
Pour ce qui est du plan d’aménagement d’infrastructure, nous avons développé un projet pour le déploiement d’un réseau national large bande intégrant un système national de transmission par Fibre Optique et celui modernisé du système satellitaire, qui assurera le maillage complet du pays et permettra à la population d’accéder aux services universels de meilleure qualité à un cout abordable. Il comptera aussi sept centres des données (data center), répartis stratégiquement à travers la République.
La partie câblée de ce projet portera notre existant à un total de près de 48.000 Km dont les caractéristiques sont les suivantes :
– 18 000 Km de fibre déployés à travers des voies naturelles que sont le Fleuve Congo et ses affluents ;
– 30 000 Km de fibre souterraine suivant les tracés des routes nationales ;
– Ayant une capacité de transmission initiale d’un Térabit par seconde avec comme objectif d’atteindre 15 Térabits par seconde endéans 5 ans.
La partie satellitaire de ce projet consistera à :
– La construction d’un téléport moderne pour assurer la distribution du signal satellitaire dans les 26 provinces ;
– La modernisation des 53 stations terriennes du réseau National satellitaire ;
– L’acquisition d’un transpondeur important dédié, qui permettra la consolidation progressive du « segment spatial congolais ».
Dans l’optique d’interopérabilité des deux réseaux, le système câblé reliera toutes les stations terriennes satellitaires et s’appuiera sur celles-ci dans le but de couvrir les zones non desservies par la fibre, d’assurer la redondance et de pourvoir à la connectivité pour le dernier kilomètre.
Pour y arriver, nous avons fait appel aux entreprises privées, aux bailleurs de fonds afin que ceux-ci viennent investir aux cotés de l’Etat Congolais. Nous avons également mis en place des allègement fiscaux à accorder aux entreprises intéressées à investir dans des liaisons de transmission à haut débit et enfin, nous avons activé la mise en place du fond de service universel devant promouvoir les télécommunications et l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les milieux ruraux et péri-urbain, qui s’avèrent être des milieux économiquement faibles.
Où en est la connectivité des endroits les plus reculés du pays notamment dans le milieu rural ?
Certes à petits pas, néanmoins la connectivité dans les milieux ruraux et les plus reculés progresse. L’inclusion numérique étant une priorité pour le Gouvernement en vue du développement économique de la RDC par sa transformation numérique, en incluant toutes les couches de la population ou qu’elle soit.
Plusieurs initiatives publiques et en partenariat avec l’industrie des télécommunications, principalement avec les opérateurs de téléphonie mobile vont dans ce sens.
Aussi la mise en œuvre imminente de Fond de Service Universel (FSU) ainsi que certaines mesures incitatives pour encourager l’implantation dans ces milieux mal desservis et moins rentables économiquement, sont de nature à renforcer cette inclusion numérique.
Faites-vous des télécommunications par satellite, un moyen de communication stratégique et prioritaire au même titre que la fibre optique ?
Bien au-delà même de la volonté et des missions du Gouvernement, le contexte naturel et l’environnement de la RDC nous contraignent à faire du satellite une infrastructure de base de transport des communications au même titre que la fibre optique.
Par sa taille et sa nature diversifiée, la RDC ne peut offrir des services de télécommunications inclusifs à toute sa population uniquement au travers de la fibre optique, car il est impossible de couvrir toute l’étendue du pays par la fibre optique sur le réseau primaire ou principal, c’est-à-dire le backbone national et même sur les réseaux métropolitains. Voilà pourquoi en RDC, l’infrastructure des télécommunications par satellite n’est pas seulement une redondance ou solution palliative à la fibre optique, mais est elle-même une infrastructure de télécommunications de base autant que la fibre optique ce qui a conduit la RDC à solliciter et à avoir obtenu auprès de l’Organisation Internationale des Télécommunications par Satellite (ITSO) la protection de l’Article IV(b) qui confère au pays requérant le même niveau de priorité et de protection de ses communications par satellite que la fibre optique.