
Entretien avec Fanomezantsoa Lucien Ranarivelo, Ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche (MAEP), qui impulse une croissance économique accélérée du monde rural à travers une vision transformationnelle de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche.
Quels sont les investissements nécessaires au développement du secteur agricole malgache ?
Comme cela a été précisé dans la vision du Président, le secteur agricole vise tout d’abord l’autosuffisance alimentaire. Nous devons rattraper le retard du secteur et l’ériger à un niveau de performance plus élevé pour le bénéfice de toute la chaîne de valeur. Pour cette matérialisation, nous avons besoin d’investissements que ce soit dans la mécanisation agricole, dans les nouveaux aménagements de terrain de culture, de périmètre agricole, dans les unités de transformation, dans les renforcements des capacités et dans la formation de tous les acteurs notamment des producteurs des exploitations familiales très nombreuses à Madagascar. Comme vous le savez, si Madagascar dispose d’un potentiel agricole très important, moins de 10% de ce potentiel est exploité.
En ce qui concerne le riz, l’indicateur phare de l’autosuffisance alimentaire, nous devons devenir, de pays importateur, à un pays exportateur net pour la région et le continent africain. Il nous faut assurer l’augmentation substantielle de notre riziculture c’est-à-dire investir dans l’aménagement de nouveaux périmètres irrigués et mettre à niveau tous les périmètres existants à Madagascar. L’objectif est d’aménager 100 000 hectares de nouveaux terrains agricoles. Tous les sites sont déjà identifiés et ce grand projet est en cours de finalisation. A l’heure actuelle, après seulement deux années de mandat du Président, 20 000 hectares de nouveaux aménagements de nouvelles superficies rizicoles ont été réalisés.
Pour le Sud de l’île, nous devons nous adapter aux conséquences du changement climatique. La sécheresse étant de plus en plus fréquente, nous devons donc développer une agriculture résiliente adaptée. Le développement de technologies, comme les systèmes de micro-irrigation goutte à goutte économisant l’eau, permettra de palier à ce manque de pluie et ce, sans transport d’eau. Il est impératif d’utiliser de manière efficiente le peu d’eau disponible que ce soit l’eau d’irrigation provenant de forages ou de pipe-lines à partir des zones humides du Sud-est de Madagascar.
Comment comptez-vous valoriser l’économie bleue ?
Nous disposons de 5 000 kilomètres de côte et de 1,5 millions de mètres carrés de zone économique exclusive (ZES). Malheureusement, notre zone océanique est moins riche que les régions maritimes de la Mauritanie ou du Maroc mais, toujours est-il, que nous devons exploiter cette opportunité. Et c’est d’actualité car nous sommes dans la phase d’une grande réforme de la gestion de nos ressources halieutiques afin que ce secteur soit contributif au développement du pays et ce, dans la gestion transparente, la bonne gouvernance et la gestion de développement durable des ressources. Cette réforme en profondeur permettra d’augmenter la contribution du secteur à l’économie, notamment en termes de redevances et d’accès à nos ressources. Pour faire en sorte que ce secteur devienne attractif, nous allons investir dans toutes la chaîne de valeur de la pêche jusqu’à la transformation pour aboutir à la création d’emplois. Il faut que les navires qui pêchent dans nos zones économiques puissent débarquer à Madagascar, transformer les produits dans l’industrie locale de la pêche donc nous allons investir dans la mise en place d’infrastructures pour attirer les investisseurs à travailler en toute en bonne gouvernance et transparence dans nos eaux territoriales et à débarquer les produits de la pêche à Madagascar. Cela alimentera également la population locale et l’industrie en aval tout au long de la chaîne de valeur.
Par quels moyens encouragez-vous l’agro-industrie ?
En fait la problématique de l’agro-industrie à Madagascar réside à la disponibilité des matières premières. Pour être transformés, les produits agricoles ne répondent pas, pour l’instant, aux critères de quantité, de qualité et de régularité d’approvisionnement. Ceci est dû à ce qu’une grande partie de la production agricole – que ce soit pour l’agriculture, l’élevage ou la pêche – est réalisée par de petites entités familiales, un peu atomisées et insuffisamment organisées.
Nous désirons finaliser un partenariat gagnant-gagnant entre les unités agro-industrielles s’approvisionnant auprès des petits producteurs et ces derniers. Nous sommes, en moment, dans une phase d’élaboration d’un cadre légal pour que ce partenariat contribue au développement et la promotion de l’agriculture contractuelle que nous appelons modèle d’agrégation agricole. Dans ce modèle, les investisseurs agro-industriels appuient les petits producteurs dans leurs activités de production et les petits producteurs approvisionnent les unités agro-industrielles en respectant les règles de qualité et la régularité de la quantité des produits. C’est l’idée de la réforme que l’on met en place. Il existe, certes, quelques groupements de producteurs mais ils restent encore peu nombreux. Un des problèmes réside à ce que les coopératives ne voient pas l’intérêt de se grouper tant qu’il n’y a pas de marché garanti. La vanille est une filière très importante, une référence pour Madagascar, mais il doit y avoir, de la même manière, un partenariat gagnant-gagnant entre producteurs et agro-industriels.