
Entretien avec Hugues Mbadinga Madiya, Ministre de la Promotion des Investissements, des Partenariats Publics-Privés, Chargé de l’Amélioration de l’Environnement des Affaires, depuis mars 2022. Diplômé de Sciences Po Paris, ce spécialiste des politiques et du développement africain était auparavant ministre du Commerce, des PME et de l’Industrie.
Les récents développements macroéconomiques augurent des perspectives favorables pour votre pays. Quels sont les secteurs dans lesquels vous souhaitez booster les IDE ?
En 2021, le Chef de l’État S.E Ali BONGO ONDIMBA a lancé le Plan d’Accélération de la Transformation (PAT) qui fixe le cap et les objectifs de la relance économique du Gabon post COVID. Dans ce plan, des secteurs clés ont été identifiés en fonction de leur impact sur le développement économique et social de notre pays.
Les secteurs de l’agroalimentaire, des infrastructures, de l’énergie, de la transformation du bois, des mines et du manufacturé sont les principaux secteurs d’activité qui concentrent nos efforts de promotion des investissements et par le biais desquels nous souhaitons booster les IDE.
Le pays s’active surtout dans un certain nombre de secteurs prioritaires identifiés dans le PAT notamment :
– Par la substitution des importations du secteur agricole en prévoyant d’investir environ 500 millions d’euros dans le développement agricole d’ici 2023. L’ambition du Gabon est d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, en mettant en valeur plus de 560 milles hectares de terres pour une exploitation intensive de filières végétales et animales au sein des ZAP. Le secteur agricole soutiendra également le développement de filières agroindustrielles d’huile de palme, de caoutchouc, de sucre et de produits alimentaires locaux transformés (farine de manioc, jus de fruit, charcuterie, etc.). 250 mille hectares de terres agricoles sont déjà aménagés et prêts à être remis aux potentiels investisseurs. En effet, l’Etat mettra à disposition des investisseurs, des parcelles de terres arables aménagées (entre 8 000 et 10 000 hectares) pour développer à la fois les cultures vivrières que celles destinées à l’exportation.
– Sur le secteur Pêche, la nouvelle orientation stratégique adoptée par le Gabon vise également à doubler la production de la filière Pêche et à tripler les revenus générés par celle-ci. La dynamisation de la filière passe par le débarquement sur le sol national de 100% des captures de pêche réalisées dans les eaux territoriales gabonaises, et par la transformation locale d’une proportion significative des captures en produits de grande consommation, pour le marché national et international. Pour ce faire, le Gabon a renforcé le cadre institutionnel et juridique du secteur et va investi dans les infrastructures nécessaires au développement de la filière. Il y a la construction prochaine d’un centre d’études maritime pour accélérer le développement de la filière.
-Dans le secteur Minier, le Gabon dispose d’un sous-sol riche en ressources minérales avec plus de 900 indices miniers dont les plus importants sont : le manganèse (réserves d’environ 250 millions de tonnes), le fer (réserves de plus de 1 milliards de tonnes), l’or et les terres rares. Ainsi, le Gabon s’est engagé dans une série d’investissements qui a permis la construction d’un barrage hydroélectrique destiné à approvisionner en énergie deux usines de transformation de manganèse qui ont vu le jour en 2014 et qui transforment à ce jour 10% de la production annuelle du Gabon. Aussi, le pays a-t-il renforcé la gouvernance de sa filière des mines notamment par la révision du code minier rendant le cadre des affaires plus attractif aux investisseurs. Le Gabon compte poursuivre cette dynamique afin de développer cette filière grâce à la diversification de l’exploitation minière et la transformation locale.
– Sur le secteur du Numérique, le Gabon a l’un des taux de pénétration des services de mobile-money parmi les plus élevés d’Afrique, aux côtés de pays comme le Kenya. L’usage des réseaux numériques, le Smartphone en particulier, a atteint un niveau qui permet désormais d’en faire un support de masse pour les services en ligne. Afin de renforcer l’écosystème national du numérique, le Gabon a identifié 3 projets à fort impact sur l’économie gabonaise pour lesquels le pays recherche activement des partenaires, dont la construction d’un Data Center.
-Sur le secteur Oil & Gas, plusieurs initiatives ont par ailleurs été initiées pour faire de Port-Gentil, un véritable cluster pétrochimique à l’horizon 2025 qui dépend peu de l’évolution des cours du pétrole. Le Gabon ambitionne ainsi de développer à la fois l’exploitation offshore du pétrole et une filière pétrochimique nationale forte grâce à la production du gaz naturel. Cette perspective est également une occasion pour les investisseurs de venir s’installer au Gabon. De premiers investissements productifs sont en phase avancée de préparation, dont une unité de production d’engrais azotés composés et une nouvelle raffinerie de pétrole.
– Sur le secteur Eau et Energie, le Gabon ambitionne de porter la capacité de production actuelle de l’énergie à 1200MW d’ici à l’horizon 2024 pour répondre à la demande projetée à environ 1039MW, en privilégiant l’énergie hydraulique et solaire dont le potentiel pour le Gabon est estimé entre 5000 et 6000MW. Ainsi, dans l’optique de couvrir l’ensemble des besoins du Gabon par une offre compétitive, durable et créatrice d’emplois, trois nouveaux barrages hydroélectriques seront construits en partenariat avec des opérateurs privés : le barrage de Ngoulmendjim dans l’Estuaire (73 MW) et les barrages des Chutes de l’Impératrice (80 MW) et de Dibwangui (30 MW) dans la Ngounié. Ainsi, 80% de l’énergie consommée au Gabon proviendra d’une source renouvelable et moins couteuse. Un réseau national intégré alimentera les différentes zones du pays en suivant le tracé des grands corridors d’infrastructures. En matière d’eau, le Gabon ambitionne également d’augmenter sa production avec la construction de l’usine de production d’eau de Ntoum 7 et la mobilisation des eaux du Kango, afin de garantir l’accès universel pour tous à l’eau. 140 000m3 d’eau potable supplémentaire sera alors produite par jour pour alimenter Libreville.
Comment comptez-vous améliorer l’accès aux financements du secteur privé ?
Le problème d’accès au financement est une préoccupation pour les PME et les TPM ainsi que pour le démarrage de certains projets portés par le secteur privé.
Pour les PME et TPME, le Gouvernement a mis en place des instruments financiers et de garantie développée par le Fonds Gabonais d’Investissements Stratégiques (FGIS). Il s’agit du Fonds Okoumé et du Fonds de Garantie. Ces instruments sont en cours d’opérationnalisation.
Il faut également mentionner le rôle décisif de l’Agence Nationale de Promotion et des Investissements, ANPI-Gabon qui accompagne des PME pour permettre leur accès au financement. L’Agence a noué des partenariats avec des banques locales et des sociétés de microfinance telles que la COFINA qui a mis à la disposition de ces promoteurs une ligne de financement direct conséquente de 500 millions FCFA. Nous travaillons à dupliquer cette expérience avec d’autres établissements de crédit.
Nous travaillons également avec les partenaires financiers régionaux et locaux pour les encourager à diversifier leurs portefeuilles. Ainsi, l’ANPI-Gabon, le FGIS et la Caisse de Dépôts et de Consignations (CDC) sont des bras armés de l’État pour accompagner les projets portés par le secteur privé pour qu’ils soient éligibles auprès des guichets spécialisés de la Banque Africaine de Développement, la Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale, avec, bien entendu, l’appui des banques locales. Des fonds de garanties tels que le Fonds de Solidarité Africain, qui est un fonds multilatéral constitué par les pays africains basé à Niamey au Niger.
La Zone Economique spéciale de Nkok constitue, aujourd’hui, un hub de développement et d’industrialisation du Gabon. Qu’apportera comme plus-value le nouveau port sec ?
Le nouveau port sec de la ZES de Nkok qui s’étendra sur une superficie de 15 ha avec une capacité de transport estimée à 2500 et 3000 containers par mois est un outil stratégique d’accélération de la performance de ce parc industriel multisectoriel. C’est une plus-value sur l’ensemble de la chaine logistique. Il aura pour vocation de décongestionner le Port d’Owendo, de fluidifier le trafic dans la ville, de réduire les délais d’exportation de la production des opérateurs économiques, ainsi que de faciliter l’acheminement des besoins en équipements et autres intrants pour les opérateurs de la ZES de Nkok.
Nous sommes convaincus qu’à côté des avantages fiscalo-douaniers, les facilités administratives, les services et commodités offerts, le développement des infrastructures dans la zone, ce nouveau port sec est un élément supplémentaire d’attractivité des investisseurs à la ZES de Nkok, conformément à la vision du Président de la République, Chef de l’Etat, S.E Ali Bongo Ondimba.
Que diriez-vous à un futur investisseur pour le convaincre de choisir le Gabon ?
Le Gabon jouit d’une gouvernance robuste et d’une économie résiliente et croissante comme nous avons pu l’observer au sortir de la crise sanitaire. Le climat des affaires favorable aux investisseurs marqué par les nombreux incitatifs proposés par l’état et un accès aux marchés régionaux de la CEMAC et de la CEEAC de plus 250 millions de consommateurs sont des facteurs de décision importants qui doivent encourager les promoteurs à venir investir au Gabon.
L’analyse du secteur des investissements gabonais permet de dégager réalités majeures suivantes :
– le positionnement du Gabon comme plateforme d’affaires de rang mondial ;
– l’accroissement du soutien à l’investissement par le développement du recours aux PPP et aux financements innovants ;
– le développement d’une administration moderne fournissant des services y compris les télés services de l’Etat de façon efficace et innovante (l’Aftercare).